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Quadrupède

Association

L’association Quadrupède se donne pour ambition d’offrir un cadre adapté à l’exploration de la relation homme / cheval dans toutes ses dimensions, par la découverte et l’expérimentation d’approches variées, guidées par des intervenants qualifiés et expérimentés.

Agenda

Basée à Villandry (37), l'association Quadrupède organise et accueille lors de stages, séjours parenthèses, ateliers, tables rondes, café-rencontres, performances / spectacles...


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des activités & stages

Intervenants

L’association Quadrupède fait appel à des intervenants expérimentés aux qualifications variées :

Éthologues diplomés, praticiens en thérapies brèves certifiés...

Praticiens en médiation animale, équitérapheutes...

Instructeurs certifiés en équitation centrée, enseignants, moniteurs et intervenants en équitation «respectueuse» (classique, dressage, liberté, équitation de travail, travail à pied, western, voltige, équitation de spectacle, traction animale...)

Ostéopathes, naturopathes, homéopathes, kinésiologues, praticiens shiatsu, podologues, dentistes, vétérinaires, maréchal-ferrants...

Professionels et artisans des métiers du cuir (bourreliers, selliers...), et créateurs d’accessoires liés aux chevaux...

Auteurs, musiciens, artistes de tous horizons, paysans, écologues, chercheurs, historiens, ethnologues, philosophes et autres passionés...

Approche

Une approche holistique au croisement de différentes cultures, philosophies, sciences, dans le respect des diverses croyances et de l’écologie de chacun(e), dans l'hypothèse de...

(re)créer du mouvement dans ce qui semble être figé (dans les corps, dans les apprentissages, dans le connu, dans les pensées...). Vers un équilibre mouvant ?

interroger ses modes de perceptions, questionner les interprétations... en quête de langages sensibles ?

tendre vers une forme de cohérence ou de «co-errance» (s’offrir de l’espace et du temps, pour ralentir et cheminer ensemble, pour se (re)trouver, et recréer du lien dans les interstices... sensibles ?).

tenter de faire éclore ou (re)naître ce qu’il y a de peut-être «déjà-là» , qui cherche la brêche, le lieu par lequel s’exprimer.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . se nourrir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . et . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . se laisser . . . . . . . . . . . . . . surprendre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ressources

Ici vous trouverez une sélection d'extraits de textes qui nous ont inspirés, interrogés, émus, dérangés... piochés ici et là et recouvrant une multitude de domaines, nous avons choisi de vous les proposer de manière aléatoire, dans l'espoir de voir surgir des relations innatendues !

Une hypothèse est une proposition ou une explication que l'on se contente d'énoncer sans prendre position sur son caractère véridique, c'est-à-dire sans l'affirmer ou la nier. Il s'agit donc d'une simple supposition, appartenant au domaine du possible ou du probable. Une fois énoncée, une hypothèse peut être étudiée, confrontée, utilisée, discutée ou traitée de toute autre façon jugée nécessaire, par exemple dans le cadre d'une démarche expérimentale.

Hypothèse, définition, Wikipédia

En tous cas, j’ai l’impression, quand je regarde, que je n’ai ni le temps ni l’espace — ni même la disponibilité sensorielle ou motrice, corporelle — de dire quoi que ce soit. Regarder c’est s’ouvrir: Cela prend chaque seconde, chaque parcelle d’énergie, chaque mouvement — motion ou émotion — du corps et de l’âme. Cela transforme tout. Cela fend notre temps, quand le langage le lie. Cela fend le langage même.

Essayer Voir (extrait), Georges Didi-Huberman, 2014, Éditions de Minuit

L’objet nous désigne plus que nous le désignons.

La Psychanalyse du feu (extrait), Gaston Bachelard, 1937

Ce qui est «bien connu» , disait Hegel, n’est, de ce fait, pas connu, weil es bekannt ist, nicht erkannt. Il faut, dirons-nous, de l’autre pour y accéder.

L’écart et l’entre, François Jullien, 2011, Éditions Galilée

La mémoire, s'avère-t-il, a des racines profondément encrées dans le corps. Il suffit parfois de l'odeur de la paille pourrie ou du cri d'un oiseau pour me transporter loin et à l'intérieur. Je dis à l'intérieur, bien que je n'aie pas encore trouvé de mots pour ces violentes taches de mémoire.

Histoire d'une vie (Sippur hayim, 1999), Aharon Appelfeld, 2004, Éditions l’Olivier

Tout acte de résistance suppose un art (le détour par exemple) et une raison (la ruse tactique par exemple). C'est-à-dire la création d'une forme. Toute survie cherche la forme efficace où se lover.
La forme ainsi entendue serait comme un lieu malgré tout : un passage inventé, une faille pratiquée dans les impasses que veulent créer les lieux totalitaires, ces lieux malgré l'homme organisés pour son anéantissement.
Inventer un lieu malgré tout, une «parcelle d'humanité» : voilà bien ce qu'une ruse de la raison, voilà peut-être ce qu'une certaine invention poétique permettent quelque-fois, comme une légère déchirure dans le désespoir, un passage pratiqué dans la dureté du monde historique.

Essayer Voir (extrait), Georges Didi-Huberman, 2014, Éditions de Minuit

Éveillés, ils dorment.

Joignez ce qui est complet et ce qui ne l’est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et ce qui est en désaccord.

Héraclite, philosophe grec de la fin du VIe siècle av. J.-C

Pour atteindre le point que tu ne connais point, tu dois prendre le chemin que tu ne connais point.

San Juan de la Cruz, XVIème siècle

Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut dire ainsi.

Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924, Éditions S. Kra

Le mécanisme logique de la phrase se montre à lui seul de plus en plus impuissant, chez l'homme, à déclencher la secousse émotive qui donne réellement quelque prix à sa vie.

Je veux qu'on se taise quand on cesse de ressentir.

Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924, Éditions S. Kra

L'intraitable manie qui consiste à ramener l'inconnu au connu, au classable, berce les cerveaux.

Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924, Éditions S. Kra

Il suffit, du reste, d'une brusque convulsion de ce globe, comme nous en connaissons une aujourd’hui, pour que soit inévitablement remise en question, sinon la nécessité, du moins la suffisance des modes électifs de connaissance et d’intervention qui sollicitaient l’homme au cours de la dernière période d’histoire.

Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme, André Breton, 1942, Éditions S. Kra

Aussi loin et aussi vite que l’on aille, on est toujours à sa juste place sur le dos d’un cheval.

Quadrupède, E. Malmasson, 2009

Dans la poussière soulevée par nos pas, il y aurait la poussière de toutes les errances, de toutes les transhumances, de toutes les migrations passées et à venir. Ce serait moi, ce serait toi, mais pas tout à fait, ce serait nous. Oui, je voudrais être un troupeau en marche, emporté... réuni.

TransHumance (extrait du Manifeste), Théâtre du Centaure, 2013, éditions Actes Sud

Le cheval est et non pas fut un animal nomade.

Hippothèses, pour une alternatives en Médecine Équine (Livre 2 - Naître et grandir - Moments d'une vie équine - Première partie), Eric Ancelet, 2011, Édition Cheval Libre

Le corps du cheval s’est forgé et se forge encore par le mouvement, pour le mouvement, ce qui crée une aptitude qui reste la principale qualité équine exploitée par l’homme.

Hippothèses, pour une alternatives en Médecine Équine (Livre 2 - Naître et grandir - Moments d'une vie équine - Première partie), Eric Ancelet, 2011, Édition Cheval Libre

Il y aura toujours un mystère de la domestication, mystère du consentement, mystère du renoncement à l’autonomie et à la liberté pour s’attacher aux membres d’une autre espèce, les accompagner et les servir en dépit des sévices.

Hippothèses, pour une alternatives en Médecine Équine (Livre 2 - Naître et grandir - Moments d'une vie équine - Première partie), Eric Ancelet, 2011, Édition Cheval Libre

Il y a donc bien dans l’idée de domestication une noblesse de la relation homme-animale qui touche à n’en pas douter au mystère du sacré, une guérison réciproque des vicissitudes d’une évolution au départ chaotique dont seul l’humain peut approcher le sens, et ce faisant devenir acteur conscient d’un processus irrésistible.

Hippothèses, pour une alternatives en Médecine Équine (Livre 2 - Naître et grandir - Moments d'une vie équine - Première partie), Eric Ancelet, 2011, Édition Cheval Libre

L’errance, terme à la fois explicite et vague, est d'ordinaire associée au mouvement, et singulièrement à la marche, à l'idée d'égarement, à la perte de soi-même. Pourtant, le problème principal de l'errance n'est rien d'autre que celui du lieu acceptable...

L’errant en quête du lieu acceptable se situe dans un espace très particulier, l'espace intermédiaire. A l'espace intermédiaire correspond en fait un temps intermédiaire, une temporalité que l'on pourrait qualifier de flottante. Ce temps flottant est le temps du regard sur l'histoire, où l'errant s'interroge sur le passé en même temps qu'il réfléchit sur son futur proche.

L’errant s'efface, devient silencieux, il se livre à l'expérience du monde, c'est pourquoi il ne peut y avoir d'errance immobile.

Les lieux semblent se ressembler de plus en plus, tout est partout en même temps, la singularité s'efface au profit d'une globalisation, non plus celle des lieux, mais celle de tous les lieux.

L’errance est certainement l'histoire d'une totalité recherchée.

Car l'errance n'est ni le voyage ni la promenade, etc. Mais bien: Qu'est-ce que je fais la ?

Errance ou la pensée du milieu, Alexandre Laumonier
(cité par Raymond Depardon dans Errance, 2000, Éditions du Seuil)

L’impossible impossible.

La mission est de plus en plus impossible. Mais la démission, elle, est devenue encore plus impossible. Peut-on se satisfaire de ne concevoir l’individu qu’en excluant la société, la société qu’en excluant l’espèce, l’humain qu’en excluant la vie, la vie qu’en excluant la physis, la physique qu’en excluant la vie ? Peut-on accepter que les progrès locaux en précision s’accompagnent d’une imprécision en halo sur les formes globales et les articulations ? Peut-on accepter que la mesure, la prévision, la manipulation fassent régresser l’intelligibilité ? Peut-on accepter que les informations se transforment en bruit, qu’une pluie de micro-élucidations se transforme en obscurcissement généralisé ? Peut-on accepter que les questions clés soient renvoyées aux oubliettes ? Peut-on accepter que la connaissance se fonde sur l’exclusion du connaissant, que la pensée se fonde sur l’exclusion du pensant, que le sujet soit exclu de la construction de l’objet ? Que la science soit totalement inconsciente de son insertion et de sa détermination sociales ? Peut-on considérer comme normal et évident que la connaissance scientifique n’ait pas de sujet, et que son objet soit disloqué entre les sciences, émietté entre les disciplines ? Peut-on accepter une telle nuit sur la connaissance ?

Peut-on continuer à renvoyer ces questions à la poubelle ? Je sais que les poser, tenter d’y répondre, est inconcevable, dérisoire, insensé. Mais il est encore plus inconcevable, dérisoire, insensé de les expulser.

La Méthode - Tome 1 - La Nature de la Nature, Edgar Morin, 1977, Éditions du Seuil

L’esprit de la vallée.

Ce livre part de la crise de notre siècle et c’est sur elle qu’il revient. La radicalité de la crise de la société, la radicalité de la crise de l’humanité m’ont poussé à chercher au niveau radical de la théorie. Je sais que l’humanité a besoin d’une politique. Que cette politique a besoin d’une anthropo-sociologie. Que l’anthropo-sociologie a besoin de s’articuler à la science de la nature, que cette articulation requiert une réorganisation en chaîne de la structure du savoir. Il m’a fallu plonger dans ce problème fondamental en me détournant de la sollicitation du présent. Mais le présent, c’est cette crise même qui m’atteint, me disperse, me transperce. Le propre objet-sujet de ce livre revient sans cesse sur mon travail pour le dynamiter. Les bruits du monde, des armes, des conflits, des libérations éphémères et bouleversantes, des oppressions durables et dures traversent les murs, me frappent au cœur. Je travaille au milieu de ces oliviers, de ces vignes, dans ces collines, près de la mer, alors qu’un nouveau minuit s’avance dans le siècle ; son ordre écrase ; son insolence inspire respect, terreur et admiration à ceux qui sont autour de moi, et qui, dans mes silences, me croient des leurs. Je me détourne de l’appel de ceux pour qui je dois témoigner, et, en même temps, je cède à l’invite d’une bouteille de vin, d’un sourire ami, d’un visage d’amour…

La Méthode - Tome 1 - La Nature de la Nature, Edgar Morin, 1977, Éditions du Seuil

À la différence de la conception grecque, et notamment aristotélicienne, où à partir des extrêmes, point de départ et d’arrivée du mouvement, est détachée la Forme (l’«exacte» ) de sa privation, c’est dans l’en-cours, n’attendant aucun aboutissement, qu’est ici l’accomplissement. Aussi la lumière est-elle «préservée» égale pour ne pas faire saillir l’un et rejeter l’autre dans l’ombre, faire surgir un «ceci que voici» , tode ti, dans sa présence et reléguer l’ailleurs dans le noir, le condamnant à l’obscurité de la perte ou de l’absence (d’où naissent le désir et la nostalgie, inspirant la quête et le «découvrement» ). En éclairant «entre» la présence et l’absence, «entre il y a / il n’y a pas» , cette lumière étale fait paraître leur constante corrélation, d’où se renouvellera l’«harmonie» .

Si parler va sans dire, François Jullien, 2006, Éditions du Seuil

L'art de l'hypnose consiste à introduire à des moments précis une dose d'imprévisibilité dans l'organisation psychique d'un individu. Il faut délicatement désorganiser pour que les choses se réorganisent. La confusion, c'est un pas de côté, une façon de sortir du lien de causalité. Quand un praticien sent une résistance chez un individu - c'est à dire un endroit où l'imagination et la pensée renouvelée n'ont plus leur place et se heurtent à la croyance et à la routine - il cherche à recréer les conditions d'une remise en mouvement. Il n'est pas là pour écouter et encore moins pour confirmer. Il est là pour introduire un élément chaotique dans un ordre établi. La confusion est en ce sens l'inverse de ce qu'on imagine communément : elle intervient pour déchirer le voile de l'illusion de continuité.

Kévin Finel, directeur de l’A.R.C.H.E.

Au point de vue intellectuel il s'agissait, il s'agit encore d'éprouver par tous les moyens et de faire reconnaître à tout prix le caractère factice des vieilles antinomies destinées hypocritement à prévenir toute agitation insolite de la part de l'homme, ne serait-ce qu'en lui donnant une idée indigente de ses moyens, qu'en le défiant d'échapper dans une mesure valable à la contrainte universelle. L'épouvantail de la mort, les cafés-chantants de l'au-delà, le naufrage de la plus belle raison dans le sommeil, l'écrasant rideau de l'avenir, les tours de Babel, les miroirs d'inconsistance, l'infranchissable mur d'argent éclaboussé de cervelle, ces images trop saisissantes de la catastrophe humaine ne sont peut-être que des images. Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. Or, c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. On voit assez par là combien il serait absurde de lui prêter un sens uniquement destructeur, ou constructeur : le point dont il est question est a fortiori celui où la construction et la destruction cessent de pouvoir être brandies l'une contre l'autre.

Second Manifeste du surréalisme, André Breton, 1930, Éditions S. Kra

Nul ne fait, en s'exprimant, mieux que s'accommoder d'une possibilité de conciliation très obscure de ce qu'il savait avoir à dire avec ce que, sur le même sujet, il ne savait pas avoir à dire et que cependant il a dit. La pensée la plus rigoureuse est hors d’état de se passer de ce secours pourtant indésirable du point de vue de la rigueur. Il y a bel et bien torpillage de l'idée au sein de la phrase qui l’énonce, quand bien même cette phrase serait nette de toute charmante liberté prise avec son sens.

(...)

À nous, disais-je donc, de chercher à apercevoir de plus en plus clairement ce qui se trame à l'insu de l'homme dans les profondeurs de son esprit, quand bien même il commencerait par nous en vouloir de son propre tourbillon. Nous sommes loin, en tout ceci, de vouloir réduire la part du démêlable et rien ne saurait s'imposer moins que nous renvoyer à l'étude scientifique des «complexes» .

Second Manifeste du surréalisme, André Breton, 1930, Éditions S. Kra

Pataphysique : Alfred Jarry, 1873-1907, est à l’origine de cette science des solutions imaginaires. Répondre avec poésie et intelligence à des questions qui ne se posent pas est l’essence même de la pataphysique. Le monde équestre conventionnel, avec ses recherches savantes et inutiles, pourrait être considéré comme étant pataphysiciens puisqu’il répond à des problèmes qu’il imagine mais que le cheval ne pose pas. Malheureusement, il manque la légèreté, l’élégance et la poésie de Boris Vian ou de Claude Gudin, pataphysiciens reconnus.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Alliance inter-espèces : La relation entre les chevaux et nous s’inscrit dans le champ d’une alliance inter-espèces. Toute alliance demande un échange... Le vivant n’est possible que dans l’échange, nous sommes le fruit d’ échanges permanents. En ce qui concerne l’échange entre le cheval et nous, il ne doit pas échapper au respect du vivante en conséquence ne doit à aucun moment s’exercer au détriment d’une des deux espèces si nous souhaitons obtenir une relation épanouie.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Croyance : Le monde équestre traditionnel est un nid de croyances toutes plus invraisemblables les unes que les autres : ferrage, balzane, sabot clair... comme le disait Einstein, «il est plus facile de désintégrer un atome qu’une croyance»

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Equitation douce : équitation intégrant le fait que le cheval est un individu partenaire connu, reconnu, respecté et apprécié comme tel. L’équitation douce s’inscrit dans le respect du cheval hors de toutes standardisation de la relation. Elle privilégie la rencontre, l’échange et le partage en considérant chaque équidé comme étant un individu à part entière, ayant son caractère propre et ses attentes particulières. Pratiquer l’équitation douce demande d’intégrer que chaque cheval réagit en fonction de son identité.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Holistique : Pratique d’investigation visant à traiter un individu de façon globale en ne se limitant pas à la partie affectée par les symptômes. La cause unique d’un désordre n’existant pas, le traitement holistique permet d’en répertorier la diversité et d’être ainsi plus efficace pour résoudre les désordres pathologiques.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Proprioception : Il s’agit de la perception de soi-même dans l’espace environnant. C’est un mot valise , composé du latin proprius ( propre) et de la perception. C’est donc l’ensemble des récepteurs, des capteurs, des centres nerveux et des neurotransmetteurs qui assurent la proprioception. Le dysfonctionnement d’un de ces éléments trouble la perception qu’a l’individu à se situer dans son environnement. Il perd en sensibilité.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Simple : La relation au cheval exige de la simplicité. Toutefois, faire au plus simple dans la relation que nous entretenons avec les chevaux est le plus difficile tant le poids du conformisme du monde équestre traditionnel est lourd. Pour réussir la simplification relationnelle, il est impératif de se défaire de la culture équestre imposée par une approche héritée de concept d’un autre temps.

Le silence des chevaux, Pierre Enoff, 2014, Édition Amphora

Ce qui parait être encore n’est plus, ce qui doit advenir est déjà là. Notre relation au monde est en cours de transformation. Je ne parle pas de ces fluctuations superficielles qui agitent continuellement les sociétés humaines, mais des grandes métamorphoses qui accompagnent l’émergence d’une nouvelle conscience. Sur le plan évolutif c’est un véritable saut quantique, impossible à réaliser sans un éveil préalable, un consentement à devenir, mais aussi la présence éclairée des autres règnes. A l’évidence les animaux sont prêts, disposés à poursuivre l’accompagnement initié voici des millénaires, à condition toutefois que nous cessions d’agir en prédateurs stupides.

Relation homme/animal : le nouveau paradigme (extrait), Eric Ancelet, 2016, www.ohm-bioalternatives.com

TransHumance est un dispositif poétique à résonances multiples ; Se donner le temps de marcher au rythme des animaux (...) TransHumance évoque le voyage transfrontalier, le cycle des saisons, les liens entre l’homme et la nature. Avec ce mot se dessinent en creux des notions de migration et de mémoire, de mobilité et de transversalité : cheminer, relier les altérités, faire route conjointement.

TransHumance, Théâtre du Centaure, 2013, éditions Actes Sud

En fait, tout ce que le cheval manifeste a du sens. Qu’il s’agisse d’un geste, d’un son ou d’une odeur, celui-ci ou celle-là s’adresse à l’autre, aux autres, à l’espace infini. C’est ainsi qu’il "parle" à la femme ou à l’homme à chaque instant de leur relation, et celle-ci ou celui-ci se doit d’entendre et e déchiffrer cet «langue étrangère» qui «parle de nous» , et qui peut permettre à chacun d’en apprendre beaucoup sur ces émotions et motivations les plus intimes et les mieux dissimulées.

Hippothèses, pour une alternatives en Médecine Équine (Livre 2 - Naître et grandir - Moments d'une vie équine - Première partie), Eric Ancelet, 2011, Édition Cheval Libre

Partons alors ensemble autour du monde, car le paradis sur terre se trouve sur le dos des chevaux.

Furie équestre avec autant de rage que de joie, parcours céleste s’il se peut que les chemins du ciel s‘éveillent au bruit des sabots.

Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard

L’a-méthode.

Entendons-nous : je ne cherche ici ni la connaissance générale ni la théorie unitaire. Il faut au contraire, et par principe, refuser une connaissance générale : celle-ci escamote toujours les difficultés de la connaissance, c’est-à-dire la résistance que le réel oppose à l’idée : elle est toujours abstraite, pauvre, «idéologique» , elle est toujours simplifiante. De même, la théorie unitaire, pour éviter la disjonction entre les savoirs séparés, obéit à une sursimplification réductrice, accrochant tout l’univers à une seule formule logique. De fait, la pauvreté de toutes tentatives unitaires, de toutes réponses globales, confirme la science disciplinaire dans la résignation du deuil. Le choix n’est donc pas entre le savoir particulier, précis, limité, et l’idée générale abstraite. Il est entre le Deuil et la recherche d’une méthode qui puisse articuler ce qui est séparé et relier ce qui est disjoint.

Il s’agit bien ici d’une méthode, au sens cartésien, qui permette de «bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences» . Mais Descartes pouvait, dans son discours premier, à la fois exercer le doute, exorciser le doute, établir les certitudes préalables, et faire surgir la Méthode en Minerve armée de pied en cap. Le doute cartésien était sûr de lui-même. Notre doute doute de lui-même ; il découvre l’impossibilité de faire table rase, puisque les conditions logiques, linguistiques, culturelles de la pensée sont inévitablement préjugeantes. Et ce doute, qui ne peut être absolu, ne peut non plus être absolument vidangé.

Ce «cavalier français» était parti d’un trop bon pas. Aujourd’hui, on ne peut partir que dans l’incertitude, y compris l’incertitude sur le doute. Aujourd’hui doit être méthodiquement mis en doute le principe même de la méthode cartésienne, la disjonction des objets entre eux, des notions entre elles (les idées claires et distinctes), la disjonction absolue de l’objet et du sujet. Aujourd’hui, notre besoin historique est de trouver une méthode qui détecte et non pas occulte les liaisons, articulations, solidarités, implications, imbrications, interdépendances, complexités.

Il nous faut partir de l’extinction des fausses clartés. Non pas du clair et du distinct, mais de l’obscur et de l’incertain ; non plus de la connaissance assurée, mais de la critique de l’assurance.

Nous ne pouvons partir que dans l’ignorance, l’incertitude, la confusion. Mais il s’agit d’une conscience nouvelle de l’ignorance, de l’incertitude, de la confusion. Ce dont nous avons pris conscience, ce n’est pas l’ignorance humaine en général, c’est l’ignorance tapie, enfouie, quasi nucléaire, au cœur de notre connaissance réputée la plus certaine, la connaissance scientifique. Nous savons désormais que cette connaissance est mal connue, mal connaissante, morcelée, ignorante de son propre inconnu comme de son connu. L’incertitude devient viatique : le doute sur le doute donne au doute une dimension nouvelle, celle de la réflexivité ; le doute par lequel le sujet s’interroge sur les conditions d’émergence et d’existence de sa propre pensée constitue dès lors une pensée potentiellement relativiste, relationniste et auto-connaissante. Enfin, l’acceptation de la confusion peut devenir un moyen de résister à la simplification mutilatrice. Certes, la méthode nous manque au départ ; du moins pouvons-nous disposer d’anti-méthode, où ignorance, incertitude, confusion deviennent vertus. (...)

La Méthode - Tome 1 - La Nature de la Nature, Edgar Morin, 1977, Éditions du Seuil

«Caminante no hay camino»

Ce qui apprend à apprendre, c’est cela la méthode. Je n’apporte pas la méthode, je pars à la recherche de la méthode. Je ne pars pas avec méthode, je pars avec le refus, en pleine conscience, de la simplification. La simplification, c’est la disjonction entre entités séparées et closes, la réduction à un élément simple, l’expulsion de ce qui n’entre pas dans le schème linéaire. Je pars avec la volonté de ne pas céder à ces modes fondamentaux de la pensée simplifiante :

– idéaliser (croire que la réalité puisse se résorber dans l’idée, que seul soit réel l’intelligible),

– rationaliser (vouloir enfermer la réalité dans l’ordre et la cohérence d’un système, lui interdire tout débordement hors du système, avoir besoin de justifier l’existence du monde en lui conférant un brevet de rationalité),

– normaliser (c’est-à-dire éliminer l’étrange, l’irréductible, le mystère).

Je pars aussi avec le besoin d’un principe de connaissance qui non seulement respecte, mais reconnaisse le non-idéalisable, le non-rationalisable, le hors-norme, l’énorme. Nous avons besoin d’un principe de connaissance qui non seulement respecte, mais révèle le mystère des choses.

À l’origine, le mot méthode signifiait cheminement. Ici, il faut accepter de cheminer sans chemin, de faire le chemin dans le cheminement. Ce que disait Machado : Caminante no hay camino, se hace camino al andar. La méthode ne peut se former que pendant la recherche ; elle ne peut se dégager et se formuler qu’après, au moment où le terme redevient un nouveau point de départ, cette fois doté de méthode. Nietzsche le savait : «Les méthodes viennent à la fin» (L’Antéchrist). Le retour au commencement n’est pas un cercle vicieux si le voyage, comme le dit aujourd’hui le mot trip, signifie expérience, d’où l’on revient changé. Alors, peut-être, aurons-nous pu apprendre à apprendre à apprendre en apprenant. Alors, le cercle aura pu se transformer en une spirale où le retour au commencement est précisément ce qui éloigne du commencement. C’est bien ce que nous ont dit les romans d’apprentissage de Wilhelm Meister à Siddharta.

La Méthode - Tome 1 - La Nature de la Nature, Edgar Morin, 1977, Éditions du Seuil

Nous demandons légitimement à la pensée qu'elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu'elle mette de l'ordre et de la clarté dans le réel, qu'elle révèle les lois qui le gouvernent. Le mot de complexité, lui, ne peut qu'exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité de définir de façon simple, de nommer de façon claire, de mettre de l'ordre dans nos idées.

Aussi la connaissance scientifique fut longtemps et demeure encore souvent conçue comme ayant pour mission de dissiper l'apparente complexité des phénomènes afin de révéler l'ordre simple auquel ils obéissent.

Mais s'il apparaît que les modes simplificateurs de connaissance mutilent plus qu'ils n'expriment les réalités ou les phénomènes dont ils rendent compte, s'il devient évident qu'ils produisent plus d'aveuglement que d'élucidation, alors surgit le problème : comment envisager la complexité de façon non-simplifiante ? Ce problème toutefois ne peut immédiatement s'imposer. Il doit prouver sa légitimité, car le mot de complexité n'a pas derrière lui un noble héritage philosophique, scientifique, ou épistémologique.

Il subit au contraire une lourde tare sémantique, puisqu'il porte en son sein confusion, incertitude, désordre. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation : est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi, ce qui ne peut se réduire à une idée simple. Autrement dit, le complexe ne peut se résumer dans le mot de complexité, se ramener à une loi de complexité, se réduire à l'idée de complexité. La complexité ne saurait être quelque chose qui se définirait de façon simple et prendrait la place de la simplicité. La complexité est un mot problème et non un mot solution.

La nécessité de la pensée complexe ne saurait être justifiée dans un avant-propos. Une telle nécessité ne peut s'imposer que progressivement au cours d'un cheminement où apparaîtraient tout d'abord les limites, les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante, puis les conditions dans lesquelles nous ne pouvons éluder le défi du complexe. Il faudra ensuite se demander s'il y a des complexités différentes les unes des autres et si l'on peut lier ensemble ces complexités en un complexe des complexes. Il faudra enfin voir s'il est un mode de pensée, ou une méthode capable de relever le défi de la complexité. Il ne s'agira pas de reprendre l'ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s'agit de s'exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.

Il faudra dissiper deux illusions qui détournent les esprits du problème de la pensée complexe.

La première est de croire que la complexité conduit à l'élimination de la simplicité. La complexité apparaît certes là où la pensée simplifiante défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l'ordre, de la clarté, de la distinction, de la précision dans la connaissance. Alors que la pensée simplifiante désintègre la complexité du réel, la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser, mais refuse les conséquences mutilantes, réductrices, unidimensionnalisantes et finalement aveuglantes d'une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu'il y a de réel dans la réalité.

La seconde illusion est de confondre complexité et complétude. Certes, l'ambition de la pensée complexe est de rendre compte des articulations entre des domaines disciplinaires qui sont brisés par la pensée disjonctive (qui est un des aspects majeurs de la pensée simplifiante) ; celle-ci isole ce qu'elle sépare, et occulte tout ce qui relie, interagit, interfère. Dans ce sens la pensée complexe aspire à la connaissance multidimensionnelle. Mais elle sait au départ que la connaissance complète est impossible : un des axiomes de la complexité est l'impossibilité, même en théorie, d'une omniscience. Elle fait sienne la parole d'Adorno «la totalité est la non-vérité» . Elle comporte la reconnaissance d'un principe d'incomplétude et d'incertitude. Mais elle porte aussi en son principe la reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement distinguer, mais non isoler les unes des autres. Pascal avait justement posé que toutes choses sont «causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et que toutes (s'entretiennent) par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes» . Aussi la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l'aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l'inachèvement et de l'incomplétude de toute connaissance.

Cette tension a animé toute ma vie.

Toute ma vie, je n'ai jamais pu me résigner au savoir parcellarisé, je n'ai jamais pu isoler un objet d'études de son contexte, de ses antécédents, de son devenir. J'ai toujours aspiré à une pensée multidimensionnelle. Je n'ai jamais pu éliminer la contradiction intérieure. J'ai toujours senti que des vérités profondes, antagonistes les unes aux autres, étaient pour moi complémentaires, sans cesser d'être antagonistes. Je n'ai jamais voulu réduire de force l'incertitude et l'ambiguïté.

Introduction à la pensée complexe (avant-propos), Edgar Morin, 1990, ESF Éditeur

Position de la chair.

Je pense à la vie. Tous les systèmes que je pourrai édifier n’égalerons jamais  mes cris d’homme occupé à refaire sa vie.

J’imagine un système où tout homme participerait, l’homme avec sa chair physique et les hauteurs, la projection intellectuelle de son esprit. 

Il faut compter pour moi, avant tout, avec le magnétisme incompréhensible de l’homme, avec ce que, faute d’une expression plus perçante, je suis bien obligé d’appeler sa force de vie.

Ces forces informulées qui m’assiègent, il faudra bien un jour que ma raison les accueille, qu’elles s’installent à la place de la haute pensée, ces forces du dehors qui ont la force d’un cri. Il y a des cris intellectuels, des cris qui proviennent de la finesse des moelles. C’est cela, moi, que j’appelle la Chair. Je ne sépare pas ma pensée de la vie. Je refais à chacune des vibrations de ma langue tous les chemins de ma pensée dans ma chair.

Il faut avoir été privé de la vie, de l’irradiation nerveuse de l’existence, de la complétude consciente du nerf pour se rendre compte à quel point le Sens, et la Science, de toute pensée est cachée dans la vitalité nerveuse des moelles et combien ils se trompent ceux qui font un sort à l’Intelligence ou à l’absolue Intellectualité. Il y a par-dessus tout la complétude du nerf. Complétude qui tient toute la conscience, et les chemins occultes de l’esprit dans la chair.

(…)

Pour moi qui dit Chair dit avant tout appréhension, poil hérissé, chair à nu avec tout l’approfondissement intellectuel de ce spectacle de la chair pure et toutes ses conséquences dans les sens, c’est-à-dire dans le sentiment.

Et qui dit sentiment dit pressentiment, c’est-à-dire conséquence directe, communication retournée qui s’éclaire de l’intérieur. Il y a un esprit dans la chair, mais un esprit prompt comme la foudre. Et toutefois l’ébranlement de la chair participe de la substance haute de l’esprit.

Et toutefois qui dit chair dit aussi sensibilité. Sensibilité, c’est-à-dire appropriation, mais appropriation intime, secrète, profonde, absolue de ma douleur à moi-même,  et par conséquent connaissance solitaire et unique de cette douleur.

Position de la chair, Antonin Artaud, 1925 , La Nouvelle Revue Française N°147

Je ne crois plus qu’à l’évidence de ce qui agite mes moelles, non de ce qui s’adresse à ma raison. J’ai trouvé des étages dans le domaine du nerf. Je me sens maintenant capable de départager l’évidence. Il y a pour moi une évidence dans le domaine de la chair pure, et qui n’a rien à voir avec l’évidence de la raison. Le conflit éternel de la raison et du cœur se départage dans ma chair même, mais dans ma chair irriguée de nerfs. Dans le domaine de l’impondérable affectif, l’image amenée par mes nerfs prend la forme de l’intellectualité la plus haute, à qui je me refuse à arracher son caractère d’intellectualité. Et c’est ainsi que j’assiste à la formation d’un concept qui porte en lui la fulguration même des choses, qui arrive sur moi avec un bruit de création.

[...]

C’est pour moi comme une réorganisation souveraine où seules les lois de l’Illogique participent, et où triomphe la découverte d’un nouveau Sens. Ce Sens perdu dans le désordre des drogues et qui donne la figure d’une intelligence profonde aux phantasmes contradictoires du sommeil. Ce Sens est une conquête de l’esprit sur lui-même, et, bien qu’irréductible par la raison, il existe, mais seulement à l’intérieur de l’esprit. Il est l’ordre, il est l’intelligence, il est la signification du chaos. Mais ce chaos, il ne l’accepte pas tel quel, il l’interprète, et comme il l’interprète, il le perd. Il est la logique de l’Illogique. Et c’est tout dire. Ma déraison lucide ne redoute pas le chaos.

[...]

La vérité de la vie est dans l’impulsivité de la matière. L’esprit de l’homme est malade au milieu des concepts. Ne lui demandez pas de se satisfaire, demandez-lui seulement d’être calme, de croire qu’il a bien trouvé sa place. Mais seul le fou est bien calme.

Manifeste en langage clair, Antonin Artaud, 1925 , La Nouvelle Revue Française N°147

Pensée d’avant ou d’à côté ?

«Comparer» , c’est — le sait-on ? — une autre façon de ne pas se déplacer : de ne pas quitter, donc de ne pas entrer. Car on est demeuré dans ses catégories de départ, formant surplomb, à partir desquelles on range ; l’hétérotopie et le dépaysement n’ont pas joué. Conséquence (celle qui m’a séparé d’autres sinologues) : tant que la raison européenne n’acceptera pas de se dé- et re-catégoriser, c’est-à-dire de revenir sur ses implicites, pour les interroger, et de sonder son «évidence» , elle ne pourra effectivement pas accéder à un ailleurs de la pensée ; et la philosophie, en dépit de son «doute» , ne pourra pas non plus se réfléchir.

Rappelons-nous cependant : n’est-ce pas cet Ailleurs non encore marqué (rangé) par la différence qui a tant surpris les premiers missionnaires débarquant en Chine, après avoir découvert le Nouveau monde, aux Amériques ? Celui-ci se présentait, à leurs yeux, comme un monde vide, ou qu’ils vident, en tout cas qui ne leur résiste pas — on extermine ou convertit. On se demandera seulement, en Europe, ambiguïté qu’on a cultivée durant des siècles avec délices, si ce spécimen découvert par-delà les mers était celui d’une humanité qui n’a pas encore progressé, ou bien qui n’a pas déjà déchu et ne s’est pas corrompue. Ce «bon sauvage» nous dérange-t-il ? Il confirme notre ethnocentrisme, d’une façon comme de l’autre, et même la conscience critique qu’on en prend ne peut défaire cette évidence : que cette forme d’humanité appartient définitivement au passé et que l’Occident seul désormais est la référence. Or voici qu’en Chine, en revanche, les missionnaires abordent un monde «plein» ; et les Lettrés ne s’en laissent pas longtemps conter. Non pas qu’ils contredisent ces évangélisateurs venus de leur «Extrême-Occident» , mais ils ne se laissent guère inquiéter : ont-ils besoin de ce Message importé ? Cela seulement leur parle-t-il ? Il y a certes un parti singulier à tirer des Éléments d’Euclide, mais la Nouvelle du salut ne paraît guère les concerner ; elle les trouve plutôt indifférents. Or, l’indifférence, entre les pensées, est bien plus difficile à franchir que la différence.

Aussi nous retrouvons-nous, aujourd’hui, dans une situation historique ambiguë, mais dont nous n’analysons peut-être pas encore suffisamment la nature de «crise» , selon le terme projeté par Husserl, et d’infléchissement. Pour ne pas dire, de façon plus alarmante, de basculement. Car c’est précisément au moment où l’Occident, au terme d’une mondialisation théorique engagée par lui il y a plus d’un siècle, croit voir triompher définitivement ses conceptions, d’un bout à l’autre de la planète, non seulement celle de la science hypothético-déductive et de sa logique modélisante (avec, en arrière plan, les mathématiques, comme langage de l’universel), mais aussi, sur le plan économique et politique, celle du rendement capitaliste et du droit à et par la démocratie, que cette même culture, celle qui se nomme dorénavant l’«occidentale» , soudain s’étonne : si une culture, telle la chinoise, ne se situe plus seulement avant, mais a connu son développement, sur bien des plans, à côté de l’européenne et parallèlement, n’est-ce donc pas aussi, en retour, que l’Europe n’occupe plus qu’un côté (des possibles de la pensée) ? Voire, cette perspective peut s’inverser : si ses choix n’avaient pas seulement poussé la culture européenne en avant, comme elle l’a cru d’elle-même durant ces derniers siècles, vu son succès, mais l’avaient fait passer à côté — «passer à côté» , cette fois, comme on dit rater ? Mais à côté de quoi ? Voici, en tous cas, que les dualismes à partir desquels a opéré si constamment sa raison lui deviennent désormais à charge : «l’esprit» / «la matière» , «sujet» / «objet» , «Dieu» / «le monde» , etc. — qui ne cherche aujourd’hui, en Europe, par un biais ou par un autre, à en secouer le joug et à s’y dérober ? Cet outillage serait-il périmé, ferait-il désormais obstruction pour avancer ? Voici aussi que le message qu’elle a construit du salut, et qui l’a passionnément tendue dans son Histoire, l’a tant fait aspirer, ne la porte plus ; ou que les idéaux qu’elle a érigés, auxquels elle a tant sacrifié, tel le «Beau» , lui paraissent désormais par trop coûteux, si ce n’est diablement factices.

Les deux l’intriguent à la fois (elle, la culture européenne qui se croit universelle) : n’a-t-elle pas raté par ses options, et d’abord le choix de la «clarté» , une certaine complexité connexe des choses, et ce au risque d’une complication l’entraînant toujours plus loin et qu’elle n’en finira plus de devoir rattraper ? Du coup, n’aurait-elle pas problématisé inutilement, emportée qu’elle est par cet emballement, celui de sa «raison» analytique, dont elle ne sait plus revenir ? Au point que l’élémentaire désormais se dérobe, qu’elle ne sait plus y accéder. L’Europe s’étonne soudain, rétrospectivement, du grand sacrifice qu’elle a ainsi accompli, commis comme on commet un crime, et d’abord du point de vue de ce qu’elle ne peut plus, dès lors, qu’appeler dramatiquement l’«existence» et non plus la vie : on ne cesse, en effet, de vouloir percer le secret du biologique, mais on ne sait plus vivre (mourir) — a-t-on seulement pensé la respiration (elle que n’a cessé de penser la Chine) ? Ou l’on ne cesse de vouloir maîtriser le temps, le planifiant toujours plus commodément, mais on ne sait plus penser l’opportunité d’un moment — la Chine a commencé par penser le «moment» saisonnier, etc. En promouvant avec acharnement la connaissance, on a rompu les connivences ; et l’Individu est condamné à s’enfermer dans son individualisme. Du plus foncier échappe, une désintégration serait en cours, qui va du social au métaphysique (le fameux «nihilisme» ), et la maîtrise acquise nous laisserait finalement si démunis.

Aussi, mais trop facilement bien sûr, trop paresseusement, ce que la pensée occidentale entrevoit vaguement de cet Ailleurs de l’Extrême-Orient la fascine-t-il comme ce qui pourrait, désormais, lui servir à nommer son refoulé. S’offrirait-il même en remède ? Du moins, n’a-t-on pas de mal à se forger cet Ailleurs compensateur. Il suffira pour cela d’inverser les termes — autre façon de ne pas se déranger : de projeter son phantasme pour ne pas entrer. Reparaît, sous l’hétérotopie, l’utopie : la logique de la régulation (en Chine) prévaudrait ainsi sur la modélisation (qu’a tant prônée l’Occident) ; ou le relâchement du principe de non-contradiction (propre à la sagesse) prévaudrait sur la nécessité du tiers exclu (de la logique) ; ou encore le global (que saisit l’intuition) sur le général (que définit le concept) ; ou l’harmonie avec le monde sur l’autonomie du sujet, etc. Il n’est pas jusqu’à ce sur quoi vient buter la science la plus contemporaine qui ne trouverait comme une esquisse, si ce n’est d’issue, du moins d’entente, dans les aperçus de la Chine ancienne : aussi bien concernant l’«espace-temps» se découvrant infrangible que l’abandon, devenu nécessaire, de l’idée même de la matière.

Entrer dans une pensée, François Jullien, 2012, Éditions Gallimard

Alliances

Les premières domestications ont commencé il y a environ douze mille ans, avec l’alliance entre l’humain et le loup, ancêtre de tous les chiens actuels. Puis ce fut le tour d’autres espèces, les herbivores ruminants à l’origine des sociétés pastorales, et beaucoup plus récemment, il y a cinq ou six mille ans, la domestication du cheval qui a favorisé l’avènement de sociétés patriarcales guerrières et la diffusion très rapide du conquérant humain sur l’ensemble de la planète.

En tout, une trentaine d’espèces animales sur des millions ont consenti à cet accompagnement de notre espèce engagée dans une évolution dont les implications vont bien au-delà du hasard biologique. Sans le soutien de ces espèces élues, l’humain aurait très certainement végété, ou même disparu de la surface de la Terre. Sans la pérennité de ce soutien, prodigué sous de nouvelles formes absolument inédites, l’humain pourrait bien disparaître très rapidement dans les décombres de sa folie.

Domestiquer n’est pas un acte cannibalique et esclavagiste, une prise de pouvoir brutale d’une espèce supérieure sur une autre jugée inférieure. Domestiquer est un processus continu de co-évolution des espèces, au cours duquel des alliances sont scellées, réévaluées, renouvelées ou modifiées en fonction des besoins biologiques, psychiques et spirituels des individus en présence. Ce processus très mystérieux participe entièrement à ce que nous nommons le sacré.

Relation homme/animal : le nouveau paradigme (extrait), Eric Ancelet, 2016, www.ohm-bioalternatives.com

De la prédation à la symbiose

J’évoquerai plus particulièrement ici notre relation à l’espèce équine, en y incluant les hybrides comme les mules et mulets, ainsi que les ânes.

Actuellement cette relation se modifie à un rythme très rapide. Le cheval de guerre et le cheval de travail ont progressivement fait place au cheval de sport, puis au cheval de «loisir» , mais toujours dans un contexte de dominance, de prédation continue de l’animal vif, sans beaucoup de respect pour les besoins propres de l’individu instrumentalisé en tant qu’outil ou monture.

Le cheval semblait ainsi voué à l’équitation, à la performance, avec certaines conséquences désastreuses quant à son équilibre et sa santé. Sédentarité, isolement, sélection génétique aberrante, procréation médicalement assistée, alimentation inadaptée et dévitalisée, surmenage, manipulations douloureuses, sont malheureusement toujours le lot de la majorité des équidés «domestiques» , soumis à des humains ignorants de l’éthologie et de la physiologie, et de ce fait maltraitants, inconsciemment pervers dans leurs attitudes infantiles de consommation de la vitalité animale. Les maladies des animaux domestiques témoignent douloureusement de ces attitudes et comportements irresponsables. Mais cette relation se transforme progressivement, vers plus de conscience et de responsabilité, et de nombreux signes témoignent de cette évolution.

Citons l’engouement croissant pour les thérapies alternatives, dont le point commun est le respect du vivant, la considération pour l’individu, ses relations et ses rythmes; engouement aussi pour la pratique d’un «néo-chamanisme» en quête de nouveaux ponts entre les règnes et vers d’autres réalités plus subtiles, mais malheureusement sujet à de multiples dérives et abus de pouvoir (c’est pourquoi je préfère parler d’écothérapie : prendre soin des relations à tous les niveaux d’organisation du vivant); découverte d’une science attachante, l’éthologie (observation des comportements spontanés instinctifs d’une espèce dans son environnement naturel), et son utilisation pour dialoguer plus respectueusement avec l’animal domestique dans les milieux et situations artificiels créés par l’homme; pratique également très en vogue d’une «communication animale» sollicitant des modes non conventionnels comme l’intuition, la visualisation et/ou la télépathie; la suppression des fers aux pieds (symbole d’abolition de l’esclavage) et la pratique du parage naturel ou parage physiologique; suppression du mors et autres enrênements coercitifs pour favoriser une équitation plus symbiotique et réellement chevaleresque où présence et intention juste sont les qualités requises; utilisation de selles sans arçon pour préserver le dos du cheval, etc.

Relation homme/animal : le nouveau paradigme (extrait), Eric Ancelet, 2016, www.ohm-bioalternatives.com

Changer la relation : un nouveau paradigme

Au-delà, par intégration progressive de tous les aspects évoqués ci-dessus, le cheval est de plus en plus sollicité pour des activités où son athlétisme, sa force physique, son rôle de monture deviennent secondaires, puis disparaissent purement et simplement au profit de propositions où l’humain est «à côté» et non plus «dessus» l’animal. Avec le cheval avant d’être «à cheval» . Dans cette relation nouvelle c’est l’animal qui peur devenir maître du jeu, l’initiateur et le guide d’un travail accompli avec une bouleversante bienveillance.

Nous pouvons regrouper ces propositions nouvelles sous le terme de «thérapie assistée par les chevaux» , mais plus justement, pour reprendre mon néologisme, je préfère dire : écothérapie accompagnée par un animal guide.

Je voudrais évoquer plus précisément ces nouvelles pratiques car elles sont directement liées à notre évolution individuelle et collective, aux transformations profondes auxquelles sont appelées les sociétés humaines déroutées par l’inefficacité et la dangerosité des modèles politiques et économiques actuels.

Ces activités participent à un vaste ensemble, très éclectique, que l’on nomme communément et assez confusément «développement personnel» , et dont le point commun serait une quête de sens et d’identité par l’adoption d’attitudes plus responsables, plus intégrées et connectées à «l’autre» et au «tout» (la nature, la biosphère, la planète, avec leurs réserves épuisables, leurs équilibres délicats…), une recherche sincère de vérité et d’authenticité qui est le nouveau visage de la spiritualité au-delà de l’épuisement des religions traditionnelles.

Dans ce contexte émergeant, l’animal est bien sûr omniprésent, mais avec des fonctions elles aussi nouvelles, originales, parfois incongrues. Étonnant renversement des valeurs, l’ancien maître se transforme humblement en disciple, et sollicite l’aide de l’animal pour être recentré, éduqué, guidé, découvrir «le pouvoir du moment présent» (Eckart Tolle), se relier à la profondeur de l’originel pour retrouver l’élan vital, la présence à soi, l’authenticité du vécu, l’innocence de l’instinct, ouvrir enfin de nouvelles voies d’accès au devenir, ce qui peut se dire en un seul mot : guérir.

Relation homme/animal : le nouveau paradigme (extrait), Eric Ancelet, 2016, www.ohm-bioalternatives.com

L’animal guérisseur et initiateur

Pour en témoigner, j’évoquerai en premier lieu ce que j’ai nommé «psychosomatique croisée» , une lecture du vivant qui devient l’un des axes essentiels de ma pratique d’écothérapeute appelé, non plus à «soigner des maladies» , mais à harmoniser en premier lieu des relations afin de restaurer l’équilibre des individus engagés dans la co-évolution.

La «psychosomatique croisée» décrit toute situation où les troubles du comportement et/ou les «maladies» somatiques de l’animal sont en relation directe, signifiante, avec le mal-être d’un humain proche de cet animal. Une telle empathie implique bien entendu une grande complicité, une relation profondément affective induisant des échanges spontanés d’énergie psychique, des phénomènes complexes de résonance entre champs émotionnels que l’on peut nommer tour à tour ou simultanément, selon les affinités sémantiques : symbolisation, identification, transfert, projection, synchronicité...

Ce transfert du conflit existentiel de l’un au corps de l’autre n’est pas de nature causale au sens classique, mais découle d’un lien symbolique et symbiotique (un lien amoureux), non mesurable avec les instruments classiques des sciences dites «exactes» .

L’animal accompagnant agirait donc, tour à tour ou simultanément, comme témoin, médiateur, révélateur et amplificateur de contenus psychiques demeurés jusque là inconscients, qu’il exprimerait par des symptômes objectifs visibles, lesquels prennent dès lors valeur de symboles qui conduisent l’ombre de l’inconscience (le non-dit) vers la lumière de la conscience et donc la personne vers une guérison possible. Nous retrouvons le modèle archétypique de l’animal guide et guérisseur, qui parle (le langage symbolique) dans les contes de fées et conduit sûrement son «maître» vers le bonheur et la prospérité.

Bien évidemment, une telle lecture fine du langage somatique implique en premier lieu de connaître et respecter l’éthologie et la physiologie des animaux accompagnants, afin d’éviter des troubles liés à des erreurs grossières dans le mode de vie et l’alimentation. Ensuite, cela implique d’admettre que la maladie a un sens, signification et direction, et qu’elle indique un égarement existentiel, une errance à laquelle nous pouvons remédier en changeant d’attitude.

L’animal permet ainsi une prise de conscience, et sa guérison dépend étroitement de notre capacité à percevoir le message et à modifier nos comportements en conséquence, ce qui signifie assumer notre vécu et prendre nos responsabilités en ce qui concerne notre bien-être!



Soigner la relation : l’écothérapie holistique

En second lieu, quelques précisions sur l’écothérapie, qui inclut toutes les situations où l’animal participe au bien-être et au bien-devenir humain, étant entendu qu’il s’agit ici de thérapie globale, évolutive, incluant l’environnement, tous les êtres vivants, et tous les aspects de chaque être impliqué, corps, âme (psyché) et esprit (pneuma). La psychosomatique croisée fait partie de ce vaste ensemble d’écothérapie holistique.

La thérapie assistée par les chevaux, depuis longtemps utilisée pour certains handicapés psychomoteurs, consiste à mettre ensemble humains et animaux, en créant un certain contexte, une ambiance, en favorisant certaines situations, des rituels durant lesquels cette simple présence dans un environnement le plus proche possible du naturel, par le biais de l’observation, de l’approche, de la rencontre, des contacts sensoriels, va favoriser l’émergence et l’expression de paroles, d’émotions et de gestes jusque-là bloqués, blocages à l’origine d’échecs, de mal-être, de dépression, de maladies, et donc ouvrir un passage, provoquer une véritable rénovation existentielle, une initiation au devenir, une guérison authentique.

Par le biais du rituel de la rencontre et de l’initiation à une nouvelle présence au monde, guérir signifie alors sortir d’une stagnation, bouger, aller au-delà d’un blocage existentiel, poursuivre ce que Carl Gustav Jung nommait «processus d’individuation» , et qui est notre participation individuelle à l’évolution universelle.

Chacun peut devenir écothérapeute, préserver et respecter son intériorité comme son extériorité, cultiver l’intimité comme l’infinité, entrer en relation avec les autres règnes, adapter sa pratique à ces tendances nouvelles où les engouements superficiels, les effets de «mode» , recouvrent en fait une très profonde aspiration de l’humain pour une conscience plus vaste.

J’ai l’intime conviction que les animaux accompagnants sont d’ores et déjà disponibles et prêts à assumer ces nouvelles fonctions à l’évidence plus subtiles, mais tout aussi exigeantes que le simple fait de servir interminablement de nourriture, de véhicule, ou d’exutoire à toutes nos souffrances émotionnelles.

Mes activités m’ont ainsi amené à intégrer les différents acquis d’un chemin de vie, la médecine vétérinaire (thérapies alternatives), la psychothérapie, l’étude du symbolisme, la pratique de la danse, pour concevoir des outils évolutifs propres à ouvrir des chemins, construire des passerelles, créer des passages, et ce faisant participer à une guérison qui pour moi est synonyme de devenir, accueillir un nouveau paradigme.

Relation homme/animal : le nouveau paradigme (extrait), Eric Ancelet, 2016, www.ohm-bioalternatives.com

MAZEPPA

Away ! - Away !
BYRON. Mazeppa.
En avant ! en avant !

I

Ainsi, quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure,
A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu’un sabre effleure,
Tous ses membres liés
Sur un fougueux cheval, nourri d’herbes marines,
Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines
Et le feu de ses pieds;
Quand il s’est dans ses nœuds roulé comme un reptile,
Qu’il a bien réjoui de sa rage inutile
Ses bourreaux tout joyeux,
Et qu’il retombe enfin sur la croupe farouche,
La sueur sur le front, l’écume dans la bouche,
Et du sang dans les yeux,
Un cri part; et soudain voilà que par la plaine
Et l’homme et le cheval, emportés, hors d’haleine,
Sur les sables mouvants,
Seuls, emplissant de bruit un tourbillon de poudre
Pareil au noir nuage où serpente la foudre,
Volent avec les vents !
Ils vont. Dans les vallons comme un orage ils passent,
Comme ces ouragans qui dans les monts s’entassent,
Comme un globe de feu;
Puis déjà ne sont plus qu’un point noir dans la brume,
Puis s’effacent dans l’air comme un flocon d’écume
Au vaste océan bleu.
Ils vont. L’espace est grand. Dans le désert immense,
Dans l’horizon sans fin qui toujours recommence,
Ils se plongent tous deux.
Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,
Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,
Tout chancelle autour d’eux.
Et si l’infortuné, dont la tête se brise,
Se débat, le cheval, qui devance la brise,
D’un bond plus effrayé
S’enfonce au désert vaste, aride, infranchissable,
Qui devant eux s’étend, avec ses plis de sable,
Comme un manteau rayé.
Tout vacille et se peint de couleurs inconnues
Il voit courir les bois, courir les larges nues,
Le vieux donjon détruit,
Les monts dont un rayon baigne les intervalles;
Il voit; et des troupeaux de fumantes cavales
Le suivent à grand bruit.
Et le ciel, où déjà les pas du soir s’allongent,
Avec ses océans de nuages où plongent
Des nuages encor,
Et son soleil qui fend leurs vagues de sa proue,
Sur son front ébloui tourne comme une roue
De marbre aux veines d’or.
Son œil s’égare et luit, sa chevelure traîne,
Sa tête pend; son sang rougit la jaune arène,
Les buissons épineux;
Sur ses membres gonflés la corde se replie,
Et comme un long serpent resserre et multiplie
Sa morsure et ses nœuds.
Le cheval, qui ne sent ni le mors ni la selle,
Toujours fuit, et toujours son sang coule et ruisselle,
Sa chair tombe en lambeaux;
Hélas ! voici déjà qu’aux cavales ardentes
Qui le suivaient, dressant leurs crinières pendantes,
Succèdent les corbeaux !
Les corbeaux, le grand-duc à l’œil rond, qui s’effraie,
L’aigle effaré des champs de bataille, et l’orfraie,
Monstre au jour inconnu,
Les obliques hiboux, et le grand vautour fauve
Qui fouille au flanc des morts, où son col rouge et chauve
Plonge comme un bras nu !
Tous viennent élargir la funèbre volée;
Tous quittent pour le suivre et l’yeuse isolée
Et les nids du manoir.
Lui, sanglant, éperdu, sourd à leurs cris de joie,
Demande en les voyant : Qui donc là-haut déploie
Ce grand éventail noir ?
La nuit descend lugubre, et sans robe étoilée.
L’essaim s’acharne, et suit, tel qu’une meute ailée,
Le voyageur fumant.
Entre le ciel et lui, comme un tourbillon sombre,
Il les voit, puis les perd, et les entend dans l’ombre
Voler confusément.
Enfin, après trois jours d’une course insensée,
Après avoir franchi fleuves à l’eau glacée,
Steppes, forêts, déserts,
Le cheval tombe aux cris des mille oiseaux de proie,
Et son ongle de fer sur la pierre qu’il broie
Éteint ses quatre éclairs.
Voilà l’infortuné gisant, nu, misérable,
Tout tacheté de sang, plus rouge que l’érable
Dans la saison des fleurs.
Le nuage d’oiseaux sur lui tourne et s’arrête;
Maint bec ardent aspire à ronger dans sa tête
Ses yeux brûlés de pleurs.
Eh bien ! ce condamné qui hurle et qui se traîne,
Ce cadavre vivant, les tribus de l’Ukraine
Le feront prince un jour.
Un jour, semant les champs de morts sans sépultures,
Il dédommagera par de larges pâtures
L’orfraie et le vautour.
Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,
Grand à œil ébloui;
Et quand il passera, ces peuples de la tente,
Prosternés, enverront la fanfare éclatante
Bondir autour de lui !

II

Ainsi, lorsqu’un mortel, sur qui son dieu s’étale,
S’est vu lier vivant sur ta croupe fatale,
Génie, ardent coursier,
En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l’emportes
Hors du monde réel, dont tu brises les portes
Avec tes pieds d’acier !
Tu franchis avec lui déserts, cimes chenues
Des vieux monts, et les mers, et, par delà les nues,
De sombres régions;
Et mille impurs esprits que ta course réveille
Autour du voyageur, insolente merveille,
Pressent leurs légions.
Il traverse d’un vol, sur tes ailes de flamme,
Tous les champs du possible, et les mondes de l’âme;
Boit au fleuve éternel;
Dans la nuit orageuse ou la nuit étoilée,
Sa chevelure, aux crins des comètes mêlée,
Flamboie au front du ciel.
Les six lunes d’Herschel, l’anneau du vieux Saturne,
Le pôle, arrondissant une aurore nocturne
Sur son front boréal,
Il voit tout; et pour lui ton vol, que rien ne lasse,
De ce monde sans borne à chaque instant déplace
L’horizon idéal.
Qui peut savoir, hormis les démons et les anges,
Ce qu’il souffre à te suivre, et quels éclairs étranges
A ses yeux reluiront,
Comme il sera brûlé d’ardentes étincelles,
Hélas ! et dans la nuit combien de froides ailes
Viendront battre son front ?
Il crie épouvanté, tu poursuis implacable.
Pâle, épuisé, béant, sous ton vol qui l’accable
Il ploie avec effroi;
Chaque pas que tu fais semble creuser sa tombe.
Enfin le terme arrive… il court, il vole, il tombe,
Et se relève roi.

Mazeppa (1828), Victor Hugo, 1929, Les Orientales (recueil), Charles Gosselin Éditions

1+1=1

Le centaure est un aveu : celui de notre incomplétude.

C’est aussi un cri d’alliance : quand tu regardes un centaure, tu vois une relation.

Je ne serai entier qu’en étant toi : le centaure est une promesse.

Je rêve d'un galop pour ma moitié humaine, je rêve d'une parole pour ma moitié animale : le centaure espère l’impossible, de toutes ses forces rassemblées; il interroge l'animal humain, déplaçant les frontières de soi aux frontières de l’autre : le centaure est un franchissement.

Le centaure est de ces rêves qu’on ne réalise qu’en rêve : d’un être fabuleux, nous avons fait une utopie, notre espace quotidien et un recueil de poèmes disant notre rapport au monde, et le rapport du monde à ses propres rêves, son besoin d’autre et sa quête d’ailleurs.

C’est à l’intérieur de chacun que le centaure s’élance, là où les secrets ont leur sauvagerie, l’inconscient son étrangeté, là où l’avenir s’arpente à plusieurs.

Nous avons préféré ce corps qui n’existe pas, plutôt qu’un corps qui existe à moitié.

Manifeste, Théâtre du Centaure, Fabrice Melquiot, 2007

Sur tes quatre membres, foulant le sol, défiant le vent, le chanfrein en avant, la croupe abaissée, ce fougueux animal regardait le monde. Ses oreilles, comme deux jauges de son humeur, dessinaient sa curiosité.

Toi, humble quadrupède qui a eu la gentillesse de nous porter à travers les siècles ; tu nous supporte toujours et parfois, tu as la bonté de nous faire dont d’une toute petite part de grâce.

En ville comme aux champs, à la ferme, à l’usine, au fond des mines, sur les routes et les chemins de halage ; Tu nous as tracté, porté, embarqué. Mais depuis quand galopes tu avec cet instinct de fuite, foulant de ton gracieux équilibre le sol de notre planète.

Combien de continents au passage as-tu conquît pour la gloire d’un Alexandre, Napoléon, Louis… Sous les noms de Bucéphale, Incitatus, Vizir, Marengo ?

Combien de légendes as-tu traversé pour nourrir l’imaginaire et les croyances des peuples ? ô toi Chollina, Pégase, Sleipnir, Rossinante… Soulevant tantôt un roi, tantôt un Don Quichotte pour dompter les moulins à vent… Ce vent que tu connais si bien, tellement bien qu’Allah, dit-on t’aurai crée d’une pincée de celui-ci.

Combien de vies partagées avec celle des Hommes pour le labeur, pour les transporter, pour les glorifier jusqu’à ce que la mécanique te dépasse. Et pourtant tu es toujours à nos côtés aujourd’hui.

Venu du vent, depuis plus de 5000 ans que nous cherchons à te connaître, au mieux à t’approcher ; l’homme s’est obstiné à te dompter, te dresser, jusqu’à ne faire plus qu’un avec toi, à devenir Centaure… À moins qu’il ne s’agisse, dénoncé par un trait de lune, d’un acte d’amour clandestin entre l’homme et l’animal.

Quelle drôle d’idée t’a laissé ainsi te faire séduire par l’homme ? Pourquoi toi, animal si craintif, aux instincts de fuite et à l’esprit grégaire, t’es tu rapproché de l’homme il y a maintenant 4000 ans ? Ce petit cheval sauvage de Przewalski toujours en toi, est-il enfoui sous le poids de l’humanité ?

Tu as partagé ta force pour conquérir des continents, ta légèreté auprès des femmes, mais plus que ça, tu as dompté tes peurs à notre service, accompagnant nos traditions, nos religions, nos mythes, nos vies au quotidien et nos conquêtes.

Depuis les steppes mongoles jusqu’au nouveau monde, de Brahma jusqu’à Allah, de l’Alezan brûlé qui boit dans son blanc au gris rouanné, toi Falabella, Comtois à l’encolure rouée et musculeuse, Pur-sang ; Voilà des millénaires que notre route, construite ensemble, se confond à travers les âges. Sans tes quatre sabots, nul n’aurait pris Byzance…

Quadrupède, Eva Malmasson, 2009

Sobre un aire de paso, el paséo inflama el vientre de la aréna…

Et voilà l’ombre de Cagancho qui se dessine sur le sable ; «Il passe une cavale blanche dans un rêve de nuage, il passe un alezan plus vite que le vent, il passe un picador et c’est à peine une ombre pour fasciner l’absence et toréer le vide». (1)

ET,
premièrement en s’approchant, le cavalier dévie la tête de son cheval ;
deuxièmement, il vise l’endroit où il doit planter sa lance ;
troisièmement, il charge avec le corps ;
quatrièmement, il laisse ou retire en fonction de la blessure ;
et cinquièmement, il emploie les éperons pour éviter que le cheval soit blessé.

Primero acercándose, el jinete desvía la cabeza de su caballo ;
En segundo lugar, se refiere al lugar donde debe plantar su lanza ;
En tercer lugar, carga con cuerpo ;
En cuarto lugar, deja o retira con arreglo a la herida ;
Y en quinto lugar, emplea las espuelas para evitar para que el caballo sea herido.

Ballotade…
Estrapade…
Centaure…
Palomino…
Pirouette…
Cagancho…

Quadrupède, Eva Malmasson, 2009 / (1) Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard

«Coursier prompt comme la flèche, courageux comme le loup le plus sauvage» (1);
«Du sanglier il a le courage, de la gazelle, la grâce, de l’antilope, la gaieté».(6)

Il serait selon une légende, descendant des cinq juments préférées du prophète Mahomet ; il aurait, d’une autre source dit-on, été crée avec une pincée de vent du Sud, puis Allah l’aurait donné au guerrier en déclarant : «vas, et sur ton dos, tu goûteras aux jouissances que je te réserve dans mon paradis» ; une dernière le fait descendre des chevaux du Roi Salômon…

Salômon…
Salômon…

Derrière les arabesques de la grille de son box, une jument arabe lance une timide œillade.
De l’autre côté de la cour, les cuirs qui flottent sur les côtés de la tête de ce bel étalon sont comme des boucles de femme qui traversent le désert, montées sur des cavales, par un Jour de vent.

Les cavaliers orientaux ont souvent portés à leurs montures des sentiments quasi amoureux. En témoigne la richesse des parures dont ils aimaient couvrir leurs chevaux… riches selles , brides brodées d’or… c’est ainsi que le prophète les aimera.

Car la fantasia est le vestige ludique de figures guerrières où les hommes affichent leur dextérité dans l’art équestre ; lors de fêtes religieuses ou traditionnelles.
Lancés à vive allure, sur leurs destriers du désert, les cavaliers évoluent au rythme des flûtes et des tambourins ; s’élançant de front dans une parfaite synchronisation, pour un galop effréné, debout sur les étriers, en brandissant leurs moukhalas.

Prince du désert, rapide, gracieux, puissant, énergique, le cheval arabe est le produit de l’élevage sélectif des tribus bédouins des déserts d’Arabie. Il est apprécié pour sa beauté, sa robe luisante. Sa crinière longue et soyeuse, sa queue attachée haut, ses naseaux dilatés lui ont valu le surnom de buveur de vent.

Croupe farouche…
Baïkal…
Écume…
Incartade…
Bricole…

Le vent nous emporte plus loin, et nous chuchote : «Furioso, Nonius et Shagya…», trois races hongroises de chevaux.

Quadrupède, Eva Malmasson, 2009 / (1) Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard / (6) Dicton Arabe

Et voici les fêtes de Nadaam qui s’annoncent…

«A l’heure du jeu féroce de la chèvre à la tête coupée, ils sont dans la mêlée, des poitrails et des torses, des croupes et des dos cravachés, autant de masses de muscles, autant de houles d’échines, autant de balafres de cuir, autant de loques démembrées de ce corps de caillasse et de fièvre qui hantent les fiefs de Bactriane» (1).

«Il fallait en vérité, à tous les coursiers du Bouzkatchi, les qualités les plus rares et les plus contraires : la fougue et la patience, la vitesse du vent et l’entêtement d’une bête de bât, la bravoure du lion et l’art d’un chien savant. Ils étaient tous d’une éclatante et puissante beauté. Leurs crinières longues denses, admirablement soignées et leurs robes noires, bai, alezan ou blanc, avaient le brillant de la soie sauvage.

Des cravaches qui cinglaient déchiraient, naseaux et visages… Flux et reflux… Chevaux cabrés de toute leur hauteur sur l’enchevêtrement des corps et des poitrails…

Ils avançaient, le visage mouillé par l’écume qui blanchissait les naseaux et les lèvres de la bête.» (2)

Les mongols, dit-on, ont cette particularité de ne pas donner de noms à leur chevaux, car il sont pour eux un moyen de subsister et non un loisir : que ce soit pour le bât, la selle, le travail du bétail, et le lait de jument qui les nourrit, il est cependant toujours a leurs côtés.

Un soupir, et le vent nous souffle, emportés hors d’haleine, aux côtés du premier empereur mongol : Gengis khan !

Gengis khan…
Gengis khan…
Gengis khan…
Gengis khan…

Crins…
Cavales ardentes…
Étrille…
Przewalski…

«Et son cheval attend pour passer le miroir, de retrouver le songe où l’inconnu est roi.

(…)

Un nomade s’est assis sur le bord du toit du monde, en fin de course ou pour une halte, à l’écart de tout, sauf de sa monture.

(…)

Là-bas au soleil levant du bassin sacré, une sculpture vient rappeler à fleur d’eau que le cheval Balaha avatar du protecteur Lokestivara sauva plusieurs naufragés des temps chimériques en leur offrant son encolure et son dos pour traverser les flots.» (1)

«Par les coursiers qui courent à perdre haleine, par les coursiers qui frappent la terre du pied, font jaillir des étincelles, par ceux qui attaquent les ennemis au matin, qui font voler la poussière sous leurs pas, qui se frayent un chemin à travers les cohortes» (3).

On dit que les petits chevaux tibétains possèdent un cœur et une capacité pulmonaire très développés qui leur procurent une résistance exceptionnelle.

C’est peut-être ainsi qu’une armée de guerriers en terre cuite et ses nombreux chevaux veillent sur le dernier sommeil de Qin Shi Huangdi, Ier empereur de Chine, dans sa tombe…comme si l’on avait déposé son âme entre leurs membres.

«Ils portent leurs oracles au galop par les royaumes secrets où le vent est lumière…

(…)

Mais le cavalier du toit du monde qui se tient à distance reprend sans cesse les allures de la solitude. Il est avec son cheval le maitre d’une méditation crétine, l’éclaireur en proie à la seule éclaircie qui rassemble et transfigure». (1)

Zain…
Caracole…
Don quichotte…
Equus Caballus…

Quadrupède Eva Malmasson 2009 / (1) Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard / (2) Les Cavaliers, Joseph Kessel, éd. Folio Gallimard 1967 / (3) Coran, Sourate, Les coursiers

«Charge débridée où il n’y a d’autre urgence que de pousser à bout l’instinct de l’équilibre, l’instinct de la vitesse, l’instinct de mort bravée» (1) pour la précision de la flèche transperçant le vent.

Un vent chaud, ocre, rouge, sienne, nous emmène vers un pays de couleurs, un pays fleuri, mais aussi pays de cavaliers. L’Inde porte dans son berceau des chevaux aux oreilles recourbées que l’on nomme Marwari.

…Marwari… ou pays de la mort, car dit-on, il est associé à la guerre et au combat.

Mais, nos âmes quadrupèdes ont d’autres secrets…

Nommé Kalki, dernier avatar de Vishnu recevant son cheval blanc, il rétabli la justice et l’ordre du monde, inaugurant ainsi un nouvel âge d’or.

«Satin de muscles, tendons-lyres, crinières d’étoiles, croupes océanes, cabré farouche dans l’air nocturne.» (1)

On dit que le sacrifice d’un cheval en Inde est un rite de fertilité et d’abondance.

Plus beau encore, dans un mariage traditionnel, le cheval est une offrande pour un trait-d’union. Sa crinière de fleurs enveloppant les jeunes époux d’une douce fragrance.

«Et l’empreinte des sabots marque le creux des songes.» (1)

Balzane…
Chanfrein…
Galopade poétique…
Mézair…
Pégase…

Un mamelouk retient par la bride son fougueux étalon qui arbore une selle et un bridon magnifiquement incrustés. Depuis les frises du Parthénon, où Phidias a fait défiler ses longues cavalcades, nul artiste n’a rendu comme Géricault l’idéal de la perfection chevalière.

On aura porté en gloire le cheval dans les plus beaux salons de peinture au 19ème siècle.

Le trait d’un piaffer, la fougue d’un galop, l’esquisse d’une Courbette, cette figure issue de l’équitation militaire qui servait, à l’origine à protéger le cavalier des balles ennemies, au dépend de sa monture…

Mais l’équitation n’est-il pas l’art de l’éphémère ?

Éphémère comme un départ de course où quelque chose de furieux rappelle le dieu-soleil : Helios conduisant son attelage de chevaux d’or du levant au couchant.

Par le vent qui les a formés, ces petits purs sang rassemblent leurs corps en boule, pour les breeze matinales.

«Et le plus rapide coursier peux galoper jusqu’à tomber de fatigue, le plus vif oiseau voler jusqu’à l’instant où ses ailes ne le supportent plus. Ils n’apercevront rien et toujours que des herbes, des herbes, et des herbes d’où l’absinthe répand son parfum.» (2)

«Est-il sage celui qui, bien éveillé, rêve des temps fabuleux où le cheval était associé aux manifestations célestes, où non content d’être le compagnon de l’homme, il était le serviteur des dieux et des héros de l’antiquité ?

(…)

Est-il sage l’objectif de réduire à merci une créature dont la fougue, la noblesse symbolisent une inaliénable liberté ?» (4)

«Tu pleures avec les chevaux d’Achille devant la dépouille de Patrocle, tu ris du spectre de Tamerlan qui dans un ciel vide cherche où attacher sa monture, et tu ne renonces jamais, jamais aux licornes.» (1)

Quadrupède (extrait), Eva Malmasson, 2009, spectacle équestre / (1) Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard / (2) Les Cavaliers, Joseph Kessel, éd. Folio Gallimard 1967 / (4) Cheval Dominé, Hippolyte

Le cheval n’est pas un animal comme les autres.
À l’état sauvage, cet herbivore pacifique incarne tout à la fois la vivacité, l’impatience, la rapidité, la fougue, la puissance et toujours, l’harmonie des formes, l ‘élégance des allures-en un mot, la beauté. Aujourd’hui encore, le cheval ne se laisse contrôler qu’au prix de trésors d’attention, de délicatesse, de persévérance.

Le cheval n’est pas un animal comme les autres.
Il est la monture, le coursier, le premier véhicule de l’homme qui lui permet de se déplacer plus vite. Il est celui qui porte les charges et tire les fardeaux. Il est le compagnon quotidien des travaux ,des voyage, des conquêtes. Du roi le plus puissant au plus humble des laboureurs, tous ont recours à sa rapidité, sa force et sa fidélité.

Si celui qui le dirige sait le maitriser, le cheval le servira, et souvent même, par un étrange échange de rôle, deviendra guide à son tour, évitant les embuches et prévenant les dangers. Mais si l’homme s’avère incapable de dompter l’animal, celui-ci retrouvera son instinct sauvage et emportera son cavalier dans une course folle dont l’issue sera souvent fatale. car le cheval est double : né du jour et de la nuit, il connaît parfaitement les deux mondes. Le diable, la mort possèdent eux aussi leurs chevaux qui emportent les humains en enfer ou dans l’au-delà…

«Au temple des chevaux un sacrifice d’amour sauvage allie fureur et mystique pour un galop qui se rêve à l’aplomb de lui même» (1).

Quadrupède (extrait), Eva Malmasson, 2009, spectacle équestre / (1) Zingaro suite équestre, André Velter, 2005, Gallimard

Montez donc !

Au 14ème siècle dit-on : il faut monter les chevaux noirs le samedi, les blancs le dimanche, les louvets le lundi, les bais le mardi, les pies le mercredi, les alezans le jeudi, et les balzanes le vendredi.

Certains disent que les robes naturelles sont au nombre de 4, considérant que certaines robes tiennent plus de certains éléments ou humeur que d’autres. Les blancs tiennent de l’élément Eau qui est froide, humide, et d’humeur flegmatique. Les noirs tiennent plus de l’élément Terre et qu’ils sont froids, lourds et d’humeur mélancolique… Les alezans, ardents et dorés, et toutes les robes qui ont beaucoup de poils alezans, couleur du feu mélangée avec d’autres variété de poils, tiennent plus de l’élément feu qui est chaud, sec et d’humeur colérique… Les bais tiennent plus de l’élément Air qui est chaud, et d’humeur sanguine.

«Il ne faut jamais traiter un cheval avec colère : c’est le premier précepte et la meilleure habitude qu’on puisse donner à un cavalier… il y a des gens qui forment leurs chevaux à ce manège en les frappant à coup de baguettes sous les astragales… mais selon nous, la meilleure manière de l’instruire, c’est que toutes les fois qu’ils s’est plié à la volonté du cavalier, il obtienne toujours de lui un instant de relâche.»

«Ne pas l’ennuyer, ne jamais le traiter avec colère, …ne pas tirer sur sa bouche, chercher des allures régulières, le main-tenir droit, lui donner du repos» (5).

…Sur tes quatre membres, foulant le sol
défiant le vent, le chanfrein en avant,
la croupe abaissée,
ce fougueux animal regardait le monde…

Quadrupède (extrait), Eva Malmasson, 2009, spectacle équestre / (5) Traité de l'équitation, Xénophon, 400av JC